La dernière cène

Posted: jueves, 24 de febrero de 2011 by yannier RAMIREZ BOZA in Etiquetas:
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C’était à l’époque où la nécessité nous avait réunis dans six mètres carrés. C’est pratiquement là que nous vivions. Nous savions que nous ne dînerions pas non plus ce soir là. Mais le souvenir du repas copieux de la veille empêchait toute angoisse intestinale. Nous devions parcourir un long trajet car de notre pièce à l’ Hôtel Leningrad il y avait dix kilomètres. Mais j’avoue les avoir parcourus allègrement. Bien que le repas de la veille soit loin j’arrivais encore à lâcher quelques rots et pets de circonstance.

A notre arrivée – j’ai oublié de dire que mon copain était avec moi – nous nous sommes baissés pour pénétrer dans l’obscurité. Je pensais que nous étions seuls, mais un bruit nous fit reculer rapidement. Je commençais à m’inquiéter , en effet je n’arrivais pas à l’ identifier : les cinq bouches d’aération qui s’alignaient étaient occupées. Leur ouverture commençait, c’était l’heure du dîner et l’air bruyant sortait peu à peu. Au début je ne distinguais pas très bien mais rapidement nous entendîmes les exclamations : Langoustes à la mayonnaise ! Riz aux crevettes ! Fritures de bananes ! je vis simultanément les narines battre en aspirant l’odeur qui s’échappait de ces bouches d’aération. Bien sûr il s’agissait des narines de mes voisins du quartier, couchés sur le dos chacun dans une sortie d’air, ils aspiraient l’odeur de ces plats délicieux.

Mes yeux maintenant habitués à l’obscurité pouvaient reconnaître distinctement le visage de Juanita, celle qui habite au coin de la rue, son mari, ainsi que le médecin et son épouse. Mais après tout les choses allaient bien car nous nous aperçûmes que deux bouches supplémentaires fonctionnaient et nous y courûmes afin de ne pas perdre le plat suivant.

Cette fois je n’en entendis pas le nom mais il se mit à flotter dans l’air. Je ne pus retenir ma joie : du poulet ! du poulet ! ce fut là notre dernier dîner. Le lendemain l’hôtel changeait de gérant, il devint l’ Hôtel San Pedro, le dollar commença à circuler et les tubes d’aération furent réaménagés. Cuba en était déjà à trois ans de « période spéciale ».



publié le 1 octobre 2009 par yannier RAMIREZ BOZA dans paisdeorishas.blogspot.com, traduction-arrangements magali Junique. 

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